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Dr. Samuel Llano

Associée de Recherche Principal

 Université de Manchester

Biographie

 

Samuel Llano est Maître de conférences en études culturelles espagnoles à l'Université de Manchester. A travers son travail, il explore la musique et les cultures sonores de l'Espagne dans une perspective transculturelle, y mêlant la France et l'Afrique du Nord, avec un accent mis particulièrement sur les cultures urbaines. Il est l'auteur de Whose Spain? : Negotiating “Spanish Music” in Paris, 1908-1929 (OUP, 2012), lauréat du prix Robert M. Stevenson de l'American Musicological Society ; et Discordant Notes: Marginality and Social Control in Madrid, 1850-1930 (OUP, 2018). Il a co-édité plusieurs recueils d'essais, dont « Etudes du Son Espagnol » (2019; avec Tom Whittaker), un numéro spécial du Journal des Etudes Culturelles Espagnoles.

 

Llano porte secondement son attention sur l’exil et la migration, et a publié plusieurs articles sur le compositeur catalan Roberto Gerhard, un exilé de la Guerre Civile Espagnole. Dans le cadre du présent projet, LLano explore les tensions culturelles, diplomatiques et raciales perceptibles au travers de l’étude de la musique arabo-andalouse dans le contexte du Protectorat franco-espagnol au Maroc (1912-1956) ; et les luttes engagées pour le pouvoir des danses des confréries soufies, qui utilisaient la transe comme un vecteur de résistance face à l’occupation coloniale.

Recherche

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L’Empire de l’Oreille : l’Architecture Sonique du Maroc Colonial : la recherche de Samuel explore le rôle de la musicologie, du son et de la pratique musicale dans l’édification d’un ordre colonial au Maroc (1912–1956). Il étudie les travaux universitaires relatifs aux différentes traditions musicales du Maroc en tant que site controversé dans lequel se rencontrent des points de vue contradictoires quant au passé, au présent et à l'avenir du Maroc. D'une part, il aborde la musicologie comme une technologie culturelle du pouvoir, dans laquelle les représentations de la pratique musicale passée et actuelle ont été utilisées comme moyen de redéfinir et de consolider les frontières de classes, de genres et d'ethnies dans la société marocaine. La musicologie s'est ainsi alignée sur l'anthropologie et les sciences sociales de manière à favoriser le maintien et l'expansion de la domination coloniale. D'autre part, il définit la musicologie comme un site de résistance, dans lequel la prise de conscience croissante des universitaires arabes quant au potentiel des pratiques musicales du Maroc à être interprétées comme un patrimoine national, a été mise à profit pour alimenter la montée du nationalisme marocain et panarabe dans la perspective de la proclamation de l’indépendance en 1956. Le discours sur la musique andalouse dans le Maroc colonial était donc le produit de la rivalité et de la négociation entre savants français, espagnols et maghrébins, dont les différentes voix se heurtaient, coexistaient ou fusionnaient, sans désavouer aucune d’entre elles.

Son travail explore également l’implication de la pratique musicale et sonore du Maroc colonial dans la construction de cet ordre complexe tout en le défiant simultanément. Les danses de transe des confréries soufies (turuq) et l'application de la législation sur le bruit, au fur et à mesure qu'elles s'appropriaient et reconfiguraient l'espace rural et urbain, ont contribué à l'articulation des relations de pouvoir entre les différents groupes de populations européennes et marocaines habitant des espaces communs ou contigus. Les confréries soufies ont utilisé des événements de danse de transe très répandus comme des reconstitutions symboliques des lignées ancestrales qui ont structuré et soutenu leurs réseaux de pouvoir. De cette manière, ils ont tenté de résister aux tentatives des autorités coloniales de transfert de l’autorité en matière musicale du système des maîtres-apprentis vers le réseau des conservatoires et des instituts de musique financés par l’Europe. En outre, leurs danses contestaient les fondements scientifiques de la médecine et des connaissances occidentales, pour lesquelles la danse de transe soufie figurait comme une pratique superstitieuse. Alors que, particulièrement dans les zones rurales, la pratique musicale était de plus en plus reconfigurée comme un site de résistance politique ; dans les villes, les autorités coloniales ont adopté et fait appliquer une législation sur le contrôle du son comme moyen d'accroître leur contrôle des populations marocaines. En protégeant certaines zones de la ville de la pollution sonore et en imposant un régime sélectif d’« hygiène auditive », la législation du son a contribué à séparer les différents groupes de population européens et maghrébins vivant dans les villes marocaines en pleine expansion selon leurs ethnies ou leurs classes. A l’entrecroisement du contrôle et de la résistance, la pratique musicale et sonore du Maroc colonial a ouvert un espace d'intimité culturelle dans lequel l'autorité coloniale et la lutte pour l'indépendance pouvaient momentanément coexister.

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